De la trouvaille à l'archéologie expérimentale
L'exemple du coin
monétaire celtique du Mont Vully, CH.
En Suisse Romande, sur le Mont Vully (imposante
colline au sud du site de la Tène, dans le canton de Fribourg, entre Neuchâtel
et Morat et leurs lacs respectifs), au lieu dit Sur les Planches, le 6
mars 1996, lors d'une prospection, un menu objet en bronze massif apparu après
21 siècles d’oubli.
La petite chose conique porte sur sa face en creux le
négatif d’une image, une tête de profil casquée et décorée d’un collier. Il
s’agit d’un rarissime outil, un coin monétaire, soit une des deux matrices
nécessaires pour imprimer les reliefs des pièces de monnaies lors de leurs
fabrications. Ce noyau en bronze devait être contenu dans une pièce ou enclume
en fer non retrouvée.
Le coin provient de l’oppidum (place forte) helvète du
Mont Vully et date de la première moitié du Ier siècle avant Jésus-Christ.
L’objet peut paraître insignifiant, il l’est pour le
profane. Ce n’est certes pas les torques en or du trésor d’Erstfeld (Uri) ou le
cratère de la tombe de la dame de Vix (Côte-d’Or, Françe). Cependant pour les
amateurs de monnaies et les spécialistes la découverte d’un coin monétaire
celtique demeure de la plus haute rareté, unique, comme Erstfeld ou Vix. En 2001
(cf bibliographie Auberson et Geiser, 2001), 42 coins celtiques étaient
recensés dans le monde et nombre ne sont plus que des vestiges très corrodés.
Celui du Mont Vully offre la particularité d’être en bronze, métal souffrant
moins dans le terrain que le fer, de plus il présente une belle et lisse patine
foncée. La gravure est particulièrement bien lisible.
Vue du coin monétaire retrouvé.
Conique, long de 24.3 mm, pour une largeur maximale de
17,4 mm et d'un poids de 24,352 gr. La partie gravée à un diamètre irrégulier
de 12 x 12,5 mm. Il est conservé au Service archéologique du canton de Fribourg
sous le numéro SACF 7232.
Sa composition a depuis été analysée (cf bibliographie
Auberson et Geiser, 2001) : cuivre 76 %, étain 21% et plomb 3%. Cet alliage
produit un bronze relativement dur, utile pour un outil soumis à des chocs et
écrasements.
Face du coin.
Empreinte produite par le coin.
Le type monétaire qu’il pouvait produire est clairement identifié. Il s’agit d’une imitation gauloise des deniers de la République romaine à la tête de la figuration de Rome coiffée du casque ailé, connu sous le nom de denier gaulois ou quinaire à la légende Kaletedov et présents en nombre dans les fouilles de la Gaule du Centre-Est et de l’Est ; sur les territoires présumés des Lingons (capitale Langres), Eduens (capitale Bibracte), des Séquanes (capitale Besançon) et des Helvètes. Ce type monétaire (et ses variantes régionales) constitue une sorte de monnaie commune et supra-territoriale.
[Denier Sulla, photo
manque]
Le quinaire de Kaletedov, le plus répandu dans le
Centre Est de la Gaule, servait à plusieurs tribus dont les Helvètes.
Après les enseignements, les questions
Curieusement alors que des dizaines de milliers de
monnaies celtiques ont été trouvés dans le monde, aucune (des pièces étudiées,
publiées et connues de scientifiques) ne corresponds formellement au coin
monétaire découvert au Mont Vully.
Quelques quinaires de type Kaletedov, face et dos. Le
premier à sa face très descentrée.
Pièce actuelle de 5 centimes (Confédération Helvétique)
et quinaire gaulois de type Kaletedov en argent.
L’objet suscite la curiosité des spécialistes. Les
examens et les analyses démontrent qu’il a été coulé avec son empreinte,
c’est-à-dire que l’image n’a pas été gravée après coup. Et que l’objet a été
utilisé, il pourrait même s’être déformé à l’usage et avoir été corrigé à la
lime. La genèse de la concavité de la gravure n’est pas établie, d’origine ou
engendré par sa déformation à l’usage ? Reste qu’aucun quinaire à la légende
Kaletedov connu jusqu’à présent n’offre une face aussi convexe qu’est concave
le coin.
Certains ont pensé qu’il aurait pu appartenir à un
faussaire de l’époque. Il est en effet facile d’estamper de la cire ramollie sur
une monnaie pour en prendre l’empreinte. Puis, de l’enrober dans une gangue de
coulée composée d’argile, de charbon et de crottin et d’y verser après séchage
et cuisson du bronze liquide selon la technique de la cire perdue. Oui, mais,
…, d’autres coins celtiques au noyau en bronze enrobés de fer existent, ce
n’est donc par un unicum :
- Coin monétaire dit d’Avenches, trouvé au XIXe siècle
(Avenches, Musée romain, inv. 972).
- Coin monétaire « très probablement trouvé en
Haute-Alsace » (Bâle, Historisches Museum, inv. 1984.442).
Certes, nous pouvons palabrer longtemps sur
l’officialité des coins celtiques retrouvés, de fer comme de bronze. Ici, en
l’absence de monnaie de référence soit pour mouler le coin, soit comme preuve
de son utilisation, nous attendrons prudents de nouvelles découvertes.
Il est évident que la gravure de coins en fer demeure
une opération fort délicate et précise, donc très difficile. Nos tribus
celtiques régionales comprenaient certainement d'habiles artisans, mais, il
faut admettre que pour les monnaies, plus on entre dans les terres gauloises et
que l’on s’éloigne des civilisations méditerranéennes plus les images gravées
sont interprétées et simplifiées. Les deniers gaulois ou quinaires, en
particulier ceux à la légende Kaletedov sont rarement centrés sur les deux
faces, le plus souvent très décentrés et frappés sur des flans trop courts.
Peut-on en déduire que si la production monétaire gauloise est peu soigneuse et
emportée qu’il en allait de même pour la fabrication de l'outillage ?
Le principe d’échanges monétaires adopté des voisins
constituait la valeur de la pièce sur le métal et son poids. Les gravures
représentent des sécurités de convenance qui n’ont pas vraiment besoin d’être
belles. Cela reflète tout de même les moyens techniques mis en œuvre et
contraste avec les productions des cités grecques, pour ne prendre qu’un
exemple.
Le cliché du rude et sauvage gaulois relaté par les
romains et les grecs antiques et que l’on tempère sous nos latitudes de
découvertes en découvertes depuis Napoléon III, trouve bien quelques vieux
fondements dans la numismatique. Certes, il demeure impossible de comparer deux
cultures aussi différentes, d’autant que nous découlons directement du mariage
intelligent et réussi (quoiqu’un peu forcé au départ) des deux dans nos régions
: la culture gallo-romaine. On ne peut tout de même pas déclarer que notre
romanisation ne nous ait rien amené, ni que les romains ne nous doivent rien. À
ce propos culturel et comparatif lisez, sur ce blog mon article : La notion
de la beauté entre les Gaulois et les Romains.
La technique de la cire perdue offre de nombreuses
facilités, que ce soit pour des artisans officiels ou pour des faussaires, nous
l’avons expérimenté. L’outil est sans doute moins résistant qu’un coin gravé en
acier trempé, mais, précieux avantage, il peut être aisément reproduit par
moulage et même fabriqué en série par un simple artisan local.
L’expérience du faire
Le coin original témoigne, il suscite des études, des
hypothèses, des débats, mais il demeure quelque peu inerte dans un coffre fort.
Certes, l’utiliser serait un crime et il convient de le conserver dans un écrin
d’ouate. À partir de là l’archéologie expérimentale trouve toute son expression
et permet d’essayer l’objet, de le faire « parler » et de vivre la frappe avec
un « clone » reproduit sur la base des analyses métallographiques, aussi
robuste que neuf, comme jadis l’original l’a été.
Raté ou réussie toute expérience de reconstitution,
d’archéologie expérimentale, portera un plus, des sensations, des
enseignements, des réponses, des suppositions ou questions et
orientera des nouvelles expérimentations.
Le projet d’animation
Lors des préparatifs du Festival Vully Celtic (30, 31
août et 1er septembre 2007), organisé par Claude-Alain Gaillet, président de
l’Association Pro Vistiliaco <http://www.provistiliaco.ch/f/>, nous avons
proposé de copier le coin antique et de l’enrober dans une matrice en fer pour
reconstituer un atelier de frappe monétaire personnalisé au site : un
évènement, comme l’on dit.
Le fait que le coin de revers n’ait pas (encore) été
retrouvé constituait une difficulté pour reproduire la pièce qui se devait
(logiquement) d’avoir deux faces. Comme nulle monnaie ne pouvait nous donner
exactement l’empreinte de ce dos, puisque aucune pièce provenant du coin trouvé
n’est connue, il nous fallait considérer une autre piste. L’idée de dupliquer
le coin dans ses dimensions et de l’utiliser en frappe libre, manuelle (non
industrielle) posait le souci de l’identification entre pièce antique, copie et
faux. Pour ces motifs académiques et des questions évidentes de coût, de
poinçons de contrôles des métaux précieux et de la pénibilité de frappe
(l'atelier étant destiné essentiellement pour les enfants), il était clair que
les pièces seraient frappées en étain et non en argent. Donc, plutôt que de
reprendre un dos de quinaire proche (ce que nous avons fait à titre
expérimental), nous avons proposé un dos contemporain avec le logo de
l’Association Pro Vistiliaco. Celui-ci d’inspiration numismatique reprend le
dessin d’avers des potins de la Gaule Centrale, du territoire présumé des
Lingons (capitale Langres), à la légende OYINDIA (Vindia) avec deux profils de
visages à droite accolés en tête-bêche, de part et d’autre d’un bandeau
vertical. Les Lingons faisaient partie de la communauté supra territoriale des
quinaires à la légende Kaletedov et le Mont Vully a fourni deux potins «
errants » Lingons à la légende OYINDIA (Vindia). Ainsi, le choix graphique ne s’avère
pas trop incongru. Les projets idéaux l’entouraient encore d’un contenu
épigraphique et d'un millésime numérique modernes.
Le Service archéologique de l’Etat de Fribourg avalisa
le projet. Et, fournit le moulage du coin, que j’ai surmoulé et coulé en
bronze, suivant la recette de l'alliage donnée par l’analyse métallographique.
J’ai soudé le coin avec de l’étain dans un tas en fer, inspiré de la forme du
coin d’avers romain retrouvé à Augst (Bâle), constitué ici de la moitié du fer
d’un vieux marteau. Dans, le doute, j’ai coulé à la forge (au charbon de bois,
car le charbon de pierre n’était pas employé dans l’Antiquité) quatre coins.
Deux ont été sertis, un a été patiné et fixé dans une vitrine pour que le
public puisse le voir dans son entier et de près (bien que finalement
l’original fût exposé sur le site lors du festival) et le quatrième n’a pas été
utilisé et refondu car il contenait un fragment de charbon de bois sur sa face.
Désormais, en Suisse, tout est possible en matière de
gravure et de micro gravure, cependant la petite Association Pro Vistiliaco ne
pouvait supporter le coût important de la gravure 3D de 13 mm de diamètre. Et,
c’est avec de la débrouillardise et par une réduction du projet (en supprimant
le texte et le millésime) que nous avons mené ce projet à bien avec une gravure
laser en deux dimensions sur un coin de revers préalablement forgé en acier.
La gravure très droite retenait le métal des flans
frappés, je l’ai adoucie à l'échoppe. Ensuite, l’extrémité gravée du coin fut
rougie à la forge et trempée dans de l’eau pour la durcir, puis, partiellement
réchauffée pour obtenir un revenu évitant les casses à l’usage.
Détail de l'intérieur de la vitrine consacrée au Mont Vully. Une copie du coins monétaire en bronze patiné est exposée en haut à gauche. Des copies de monnaies de potins patinées (vertes) tels que ceux retrouvé lors des fouilles sont présentées avec à côté une reproduction de potins coulés encore assemblés en arbre de coulée. En bas le coin reconstitué, prêt à l'emploi et dans un fragment d'amphore quelque quinaires reconstitués.
Les essais de frappe en étain se sont avérés très
positifs, tant avec le coin de revers en acier trempé qu’avec la matrice
d'avers en bronze sertie dans une masse de fer.
Il ne restait plus qu’à présenter l’activité au
public, lors du festival.
Le Festival Vully Celtic
La journée du vendredi 30 août 2007 était réservée aux
classes scolaires. Nous avons établi des exposés et pour chaque classe, demandé
aux enseignants de nous désigner un volontaire, chargé de frapper la monnaie de
sa classe sous le regard de ses camarades, qui tous voulaient frapper, mais le
programme minuté (quasi militaire) ne le permettait pas, cependant, ils
pouvaient revenir individuellement durant le week-end.
Le samedi et le dimanche, tout le festival et par
conséquent l’atelier de frappe monétaire a été pris d’assaut par un public
énorme.
Détail d'une portion de la file devant notre poste de frappe.
À notre grand désespoir, lors de pics, certains enfants n’ont pas
hésité à faire une file jusqu’à une heure et un quart en plein soleil pour
pouvoir frapper leur tout petit quinaire du Mont Vully. Déjà devenu mythique
sur le site : T’as fais ta monnaie ? On aurait pu vendre nos monnaies
aux enchères … Mais, nous nous sommes contentés de faire plaisir aux petits frappeurs
et de demeurer fidèle à notre mission pédagogique.
Sans compter les classes, les démonstrations et les
adultes, samedi et dimanche les enfants ont frappés 1294 pièces, l'un après
l'autre, avec un seul poste de frappe.
Carte faite pour note animation au Vully-Celtic et emportée par les frappeurs et le public intéressé.
Plus tard, nous avons fourni 300 pièces pour que les
organisateurs les distribuent comme don aux bénévoles. Ainsi le coin
expérimental d’avers du Mont Vully a produit un peu plus de 1830 pièces en
étain.
Sachet de 300 pièces.
Et, pour boucler la boucle …
Désireux de laisser une trace in situ sur le Mont
Vully et dans le temps nous avons éparpillé à l’emplacement de la frappe trente
quinaires pour marquer symboliquement les 30 ans de l’Association Pro
Vistiliaco et semé les quelques ratés (dans le dessein qu’un jour la piste d’un
atelier monétaire au Mont Vully puisse être matériellement attestée). J'y joins
quelques pièces valaisannes « errantes » des Véragres de ma production, pour
signer mon origine (Martigny) et en amitié avec la Fondation Pro-Octoduro (nom
gaulois de Martigny) qui avait choisit pour sa sortie annuelle de passer par le
Festival Vully Celtic ; dont le car n’a pas pu monter, faute de place.
Comme quoi les migrations helvètes ou véragres, de jadis ou de nos jours ne se
réalisent pas toujours comme l’on voudrait, avec ou sans César, Jules de son
prénom.
Enfouissements par des petites mains innocentes des
monnaies témoins offertes au Mont Vully.
Critique de l’exercice
L’activité de frappe monétaire s’est très bien
déroulée et sans accident. Il convient de confesser les faiblesses suivantes :
La très forte affluence du public, soit plus de deux
fois et demi les espérances fut un bonheur engendrant lors de pics quelque
engorgements mémorables et notre stand d’exposition n’était plus accessible
tant le poste de frappe agglutinait les spectateurs et la file des enfants frappeurs
grandissait.
Les fortes pluies précédant le festival ont amolli le
terrain, le sol ne répondait pas correctement aux coups de marteaux, le billot
glissait légèrement et s’enfonçait.
Le billot était trop étroit, donc pas assez stable,
malgré une tige de fixation plantée dans le sol et le fait que j’avais un peu
enterré sa base pour le faire reposer dans la terre et non sur l’herbe. Un
billot plus gros est nécessaire, c’est évident, mais, il sera aussi plus
encombrant (dans la voiture et après dans mon dépôt) et lourd à porter (mauvais
pour mon dos). Il est des impératifs modernes auxquels les gens ne pensent
point et moi je n’avais pas anticipé l’effet des fortes pluies. Depuis,
prudent, j’emporte un billot plus large, qui me permet aussi de poser le marteau
et le coin mobile.
Le coin de revers (mobile) m’a paru à l’usage (des
apprenants frappeurs, peu élevés en taille) trop long, compte tenu de
l’élasticité du sol, de l’étroitesse du billot et des compétences limitées des
frappeurs à viser droit et à plat.
Les frappeurs sont souvent trop petits tant en âge
qu’en taille, même en montant sur le marchepied que j’ai destiné aux plus
menus. Nombre de jeunes enfants n’ont jamais tenu de marteau, si, si, nous
sommes à l’âge de la visseuse, des locatifs et des jeux électroniques, l’usage
« inné » du marteau et des clous se perd, c’est une évidence, que je vous
révèle.
Ceux qui maîtrisent l’emploi d’un marteau ne sont pas
forcément à l’aise avec une vieille masse de 2 kg. De plus la présence du
public, même dans le dos les intimide un peu et en particulier l’œil des
parents. Oui, passé la prime enfance, généralement (cela n’a pas changé) l’on
fait ses expériences fondamentales à l’abri du regard de ses parents ...
Sécurité oblige, je tiens le coin de revers, du coup
ils ont (heureusement) un peu peur de me taper dessus les doigts. Cependant, il
convient de le dire, les enfants ont moins peur de frapper que les adultes
(inconscience ou surestimation de soi ? peut-être les deux, en tous les cas,
ils prennent le risque).
Le principal ennui technique tient du fait qu’ils ne
frappent pas assez fort. Il leur faut frapper plusieurs coups et je dois
veiller à ne pas bouger les coins ou les recaler ce qui m’empêche de mettre un
gant, car l’on perd toute la sensibilité nécessaire. De plus, il faut faire
confiance à la jeunesse, car tôt au tard, il conviendra de leurs remettre nos
clefs et nos destins, par exemple pour le choix de notre EMS (établissement
médico-social). Les parents s’inquiètent souvent des compétences de leurs
enfants. Je réponds que si leurs enfants sont maladroits c’est généralement un
héritage transmis (que la pomme ne tombe rarement loin de l’arbre) et que de
toute façon il convient d’avoir confiance, nous n’avons pas le choix, cela aide
les enfants à affronter la vie pleinement, car tôt ou tard, ils nous conduiront
par le bras … Heureusement au Vully Celtic, seuls trois enfants m’ont tapé sur
la main, gauche.
Le frappeur amateur tend naturellement à frapper de
biais car il ne tient pas le marteau droit puisque son bras fait un mouvement
et qu’il n’arrive pas à compenser l’arc de cercle décrit par l’avant-bras en
inclinant le ou les poignets, s’il tient le marteau à deux mains. Dès lors, si
le marteau ne frappe pas au centre et à plat le haut du coin mobile le flan ne
sera pas écrasé régulièrement et va glisser en biais à l’opposé du frappeur.
Frappé de biais l’outil mobile (le coin de revers) bouge et la pièce, vue de
profil, devient fine contre le frappeur et épaisse de l’autre côté, comme une
cale ou une tranche de tarte. Ainsi, l’outil vient frapper directement une
partie du coin d’avers (fixé sur le billot) et, en l’absence du métal
intermédiaire du flan, va déformer le bronze du coin d’avers, le marquer et
l’enfoncer … peut-être, comme sur le coin original ?
L’avantage d’un coin d’avers concave évitait que la
pièce bouge trop et ne décentre la face.
Sans excès festif (je le précise) et malgré la force
de mon âge, 38 ans, il m’a fallu jusqu’au jeudi matin pour me relever
pleinement de la fatigue accumulée lors de cette folle aventure du Vully
Celtic.
Comme le festival devait être unique, que l’outil
s’est un peu endommagé et que nous avions reçu l’autorisation d’utiliser ce
coin que lors de cette manifestation par le Service archéologique de l’Etat de
Fribourg, j’ai choisi de le sortir de sa matrice de fer. Cependant, comme il
coinçait, j’ai dû le percer et lui tarauder un pas de vis pour lui visser une
tige métrique offrant un point d’ancrage solide pour l’extraire. Tel une plaque
gravée d’artiste, rayée après tirage, il ne servira plus.
Le coin déposé.
Conclusion
L’aventure de la refrappe monétaire du quinaire à la
légende Kaletedov sur le Mont Vully, 21 siècles après la perte de l’outil
original et 12 ans après sa découverte fut fort appréciée du public.
Le rêve du président de Pro Vistiliaco, Monsieur
Claude-Alain Gaillet a pu être partagé avec un très large public (plus de
13'000 entrées). Nul doute que nombre d’enfants conservent leurs pièces du
Vully Celtic dans leurs trésors et pleins de souvenirs des expositions,
animations, concerts, costumes ou des impressionnantes reconstitutions de combats.
Qui aurait pensé qu’un festival celtique puisse se
dérouler sur le Mont Vully ? Inimaginable, le site n’a pas d’électricité, ni de
constructions, tout était à faire, puis à défaire, tout fut fait et défait. Le
Vully Celtic fut une entreprise hors du commun, rêvée par un seul homme,
réalisée avec des amis bénévoles et vécue par des milliers de personnes.
L’aventure créa des liens sociaux, fortifia la communauté locale et la
communauté scientifique. Le festival du Vully Celtic est entré dans l’Histoire,
dans la légende et il possède ses vétérans.
De telles manifestations endossent un rôle pédagogique
non négligeable au profit de la culture (communauté scientifique) et de la
population. Ces animations et ces reconstitutions archéologiques contrôlées
reposent généralement sur la débrouillardise et le bon vouloir de quelques
passionnés aussi inventifs que talentueux et audacieux qu’altruistes. Ainsi un
rêve soutenu par le dicton : « si je le veux, je le peux » et transcrit en acte
peut transformer une utopie en réalité, surmonter toutes les difficultés, comme
contourner les tièdes et se passer des sceptiques. Si les mots passion et
bénévole ne riment pas ils sont pourtant (malheureusement) indissociables.
C’est de ce terreau de liberté, cumulant les individualités, les grains de
folies des uns avec les autres que de telles expériences peuvent naître.
Détail de l'un des combats.
Après ce succès, l'idée d'un bis s'est profilée pour
2010. Cependant, il n'y aura pas eu de rendez-vous en 2010 sur le Mont Vully
pour une nouvelle édition du Vully Celtic, ceci en l'absence du soutien des
communes qui ont préféré soutenir une autre culture, tout aussi terre à terre
que l’archéologie : la Fête du motoculteur.
Des perspectives plus scientifiques
L’Atelier Ciel & Terre est prêt à expérimenter à
large échelle la frappe en argent. Cependant, il nous semble qu’il conviendrait
d’établir un groupe de recherche sur ce thème et de disposer des moyens
d’analyses scientifiques des monnaies antiques pour orienter nos expériences et
contrôler nos essais, afin que nos résultats puissent servir au mieux à l’étude
de la numismatique antique.
Bibliographie
Pour en savoir plus sur le site, ses trouvailles et le coin monétaire.
KAENEL Gilbert, AUBERSON Anne-Francine, Un coin monétaire celtique au Mont
Vully (canton de Fribourg), in Archéologie Suisse 19, pp. 106-111.
AUBERSON Anne-Francine & GEISER Anne, «Les trouvailles monétaires et le
coin de l’oppidum du Mont Vully», in Revue suisse de numismatique no 80, 2001,
p. 58-97.
KAENEL Gilbert, CURDY Philippe & CARRARD Frédéric, «L’oppidum du Mont
Vully, un bilan des recherches 1978 - 2003», Academic Press Fribourg, coll.
Archéologie fribourgeoise no 20, 2004.
Avec le soutien du
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