Un extrait du catalogue de l'Exposition au
Laténium L’âge du Faux : L’authenticité
en archéologie; 29 avril 2011 - 8 janvier 2012.
Plus d'informations à la fin.
Fig. 1
Potin helvète « atypique A ».
AE (bronze à basse température de fusion, comprenant plus
de 20% d’étain) ; 5,23 g ; 19 mm ; 245°; patine de fouille. Pont de coulée
partiellement conservé.
Collection particulière, Aigle.
Clichés J. Roethlisberger.
Avers : anépigraphe, arbalète (manuballista) non armée, vue frontale.
Fig. 2
Potin helvète « atypique B ».
AE ; 4,52 g ; 17 mm; 0° ; patine de fouille.
Potin, avers du type BN n° 5371 ; découle du type
GT-A3 ; revers inédit (échelle 2 : 1).
Collection particulière, Aigle.
Clichés J. Roethlisberger.
Avers : Anépigraphe, grosse tête à gauche avec un bandeau
parallèle lisse, l’oeil vide et un globule dans la bouche.
Revers : Anépigraphe, fond
granuleux avec une croix isométrique vide contenue dans un cercle lisse.
De nouvelles
trouvailles
Dix potins dits « à la grosse tête »
(GT), quatre du type A et six du type B, sont apparus ce printemps, dans un
jardin à Aigle (VD) à l’est du toponyme de la Fontaine. Ils semblent
provenir d’un remblai déversé sur la rive droite de la Grande-Eau. Un
demi potin brisé, de type A, encore fixé à la nourrice de coulée, et deux
potins du type B, toujours unis depuis la coulée, suggèrent un lieu de
fabrication proche.
Suite à l’annonce informelle de ces
pièces, en marge de la dernière réunion du GESAF (Groupe d’études suisse sur
l’âge du Fer), un potin similaire, encore inédit, a été porté récemment à notre
connaissance. Il s’agit manifestement, dans ce cas, d’un exemplaire de type B
qui aurait été récolté en 2008 lors d’une prospection dans le Jura vaudois,
près de Sainte-Croix, au Col des Étroits (1152 m).
Des potins «
Helvetica fecit »
Les études plus récentes (Gruel-Geiser
1995) proposent, pour la monnaie coulée de potin de la Gaule celtique dite « à
la grosse tête », d’abandonner l’attribution unique aux Séquanes et de les
octroyer plus raisonnablement à un large Centre-Est, intégrant au sud le
territoire suisse occidental. Ces nouveaux dérivés inédits du prototype
(référence BN n° 5371) sont indubitablement helvétiques par la qualité de
l’iconographie de l’avers du type A et par la présence sur le revers du type B
de la croix isométrique. Une tradition mal documentée attribue l’invention de
l’arbalète (manuballista) aux Helvètes, avant son adoption et son
amélioration par l’armée romaine. Cette origine helvétique semble donc
désormais prouvée par la confrontation entre les motifs iconographiques de
l’avers du type A et du revers de type B. L’arbalète déchargée figure
allégoriquement un peuple non belliqueux et neutre – quoique armé –affichant
ainsi sa détermination à se défendre. De fait, les types A et B révèlent une
production indigène spécifique assimilant une espèce monétaire étrangère tout
en la personnalisant sur une face. Il s’agit d’un procédé similaire au
numéraire « euro » moderne, qui associe un avers commun et des revers
individualisés par pays.
Ces modifications suggèrent que
l’autorité émettrice cherchait à se distinguer avec ses propres images
culturelles et patriotiques, ceci tout en reproduisant un type monétaire
allochtone, avéré, fort et réputé, sans doute pour que ses pièces soient aussi
reconnues et admises par ses voisins. Cet esprit de mi-décision ou de
demi-mesure, teinté d’un certain besoin de reconnaissance extérieure, indique
que le peuple émetteur jouissait vraisemblablement d’un pouvoir limité. Il
devait dépendre politiquement et/ou économiquement des peuplades qui
l’entouraient, d’où le besoin d’établir une monnaie de potin identifiable dans
une communauté d’échange plus vaste que le territoire helvète. Le dessein d’une
propagande clanique y transparaît également.
De tels caractères ne laissent plus de
doute : il s’agit bien d’une authentique création autochtone, « Helvetica
fecit ». Ce n’était pas aussi aisé à démontrer pour les potins parfois
prudemment qualifiés de séquano-helvètes – qu’il convient désormais de
qualifier de types anciens – précurseurs et moins évolués que les espèces
présentées ici pour la première fois. Les variantes « A / B » sont sans
contredit postérieures au prototype connu (désigné comme « séquane » – ou,
selon la nouvelle dénomination « du Centre-Est de la Gaule »), daté
généralement aux environs de 80 à 50 av. J.-C. Il semble en effet avéré que les
pièces identifiées à Aigle ont été produites après la Guerre des Gaules (58-51
/ 50 av. J.-C.) et le retour forcé des émigrants helvètes survivants du massacre
survenu près de Bibracte (110’000 rescapés sur 368’000, selon Jules César, Commentaires
sur la Guerre des Gaules). Rappel : à l’équinoxe de printemps de 58 av.
J.-C., les Helvètes, qui avaient abandonné leurs terres et brûlé leurs biens,
engagent un exode général vers l’ouest, à destination de la Saintonge, dans les
environs de la ville actuelle de Bordeaux. Mais c’était sans compter sur la
vigilance du général de l’armée romaine, Jules César.
Ironie de l’histoire monétaire
helvétique, ces potins « à la grosse tête » atypiques se révèlent bien plus
typiques que ceux prudemment attribués jusqu’ alors.
Alain Besse
Fig. 3
Les dix nouveaux potins « à la grosse tête » récemment
apparus à Aigle VD, avec notamment un exemplaire de type A brisé encore fixé à
la nourrice de coulée, ainsi que deux exemplaires de type B encore unis depuis la
coulée, qui constituent un indice notable de la proximité de l’atelier monétaire
(échelle 1 : 1).
Collection particulière, Aigle.
Cliché J. Roethlisberger.
Bibliographie
Gruel K. et Geiser A., 1995. Les potins gaulois :
typologie, diffusion, chronologie. Etat de la question à partir de plusieurs
contributions. Paris, CNRS, Gallia 52.
Geiser A. et al. 2009. «
Les potins à la grosse tête : une nouvelle évaluation typologique ». Gazette
numismatique suisse 235 : 77-92.
Extrait de : L’âge du Faux : L’authenticité en archéologie
Marc-Antoine Kaeser (dir.)
Hauterive, Laténium (2011)
ISBN 2 - 9700394 - 2 - 3
ISBN 2 - 9700394 - 2 - 3
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